HELVETIC CIRCUS (TRAVAIL EN COURS)

Quitter mon Chili natal pour la Suisse à l’âge de 20 ans. Y faire ma vie et, trente ans après l’avoir adoptée, décider de prendre ma caméra photographique pour la regarder avec un regard parfois tendre, souvent critique, toujours teinté d’humour.

Je me souviens de ma première impression de ce pays depuis le hublot de l’avion qui m’y conduisait. Depuis là-haut, déjà, la Suisse se singularise par ses contours si bien dessinés, ses paysages si propres sur eux. Ce pays très diversifié, avec ses quatre régions linguistiques si différentes, est cependant mû par une même obsession des règlements. Avec Helvetic Circus, je veux montrer que, de sa naissance jusqu’à sa mort, partout on incite le citoyen à obéir à des règles, à respecter des interdictions, à assouvir son besoin de sécurité. Rien en Helvétie n’est laissé au hasard. La ville et la campagne, les hommes, les femmes et les enfants, les animaux domestiques ou sauvages, la nature elle-même roulent sur les mêmes rails au parallélisme inamovible. Ici on aime que tout soit maîtrisé et contrôlé, que le moindre danger soit prévu, que rien n’échappe à la loi. La Suisse, comme je la vois, est en somme un pays de superlatifs : super-ordonnée, super-propre, super-organisée, super-protégée, super-conditionnée…

Il n’y a toutefois aucun cynisme à l’origine de mon projet, qui s’attache à simplement explorer ce drôle de cirque où vit le peuple suisse, espace dans lequel tout est réglé au millimètre, où l’imprévu n’a pas sa place, où il est proscrit de prendre un risque. D’un coté, là est peut-être le secret de l’excellence du swiss made. Mais de l’autre, c’est aussi un carcan qui, s’il rend la vie sans doute plus rassurante, a aussi pour revers la solitude, l’individualisme, et souvent un manque de spontanéité, d’exubérance et d’audace.

Cela dit, dans un cirque, il y a toujours un clown. Je désire que mon projet joue le rôle de l’Auguste, qu’il serve à désamorcer un peu le sérieux de cette nation en permettant à chacun d’avoir un rire salutaire sur lui-même. Autrement dit, je ne photographie les rails que pour donner l’envie d’emprunter les chemins de traverse.

Vivian Olmi